Les extraits de plantes sont-ils des compléments alimentaires ou des médicaments?
Les extraits de plantes
On nomme EXTRAIT le résultat de l'évaporation d’un suc ou solution d’une substance végétale jusqu'à consistance fluide, molle, ou sèche, obtenu par un véhicule vaporisable, tel que l'éther, l'alcool, l'eau, ou un mélange de ces solvants.
Pour obtenir un EXTRAIT, on utilise la poudre d'une plante ou d'une partie de plante. On l’a fait macérer ou décocter ou simplement infuser ou encore lixivier (passage plus ou moins rapide d’un solvant chaud ou froid).
Selon le degré d’évaporation l’on obtient des :
Extraits liquides, dits fluides (souvent en ampoules, flacons, gouttes) -préparées comme des décoctions souvent à 50° pendant 24 à 48h.
Extraits mous (le cas de la pâte de ginseng)
Extraits secs (pour gélules avec dosages standardisés)
Nébulisats : Le nébulisat est obtenu à partir d’un extrait sec, lui-même le fruit d’un procédé de dessication très rapide. Ce procédé consiste à sécher un brouillard de particules, émis par un atomiseur, à l'intérieur d'un caisson de séchage traversé par un courant d'air chaud. On obtient ainsi une très forte concentration de certains principes actifs. L’objectif étant sous un faible poids et volume, d’enfermer les principes actifs contenus dans l’équivalent de 20 à 30 fois le volume et poids de la plante sèche ! Nous ne voyons plus beaucoup cette forme galénique dans les boutiques de compléments alimentaires.
Plante en poudre
La poudre d’une plante ou d’une partie d’une plante est préparée par pulvérisation, en général à 300 microns. Elle est conditionnée ensuite soit directement sous forme de gélules soit indirectement pour effectuer une préparation en teinture ou en extrait.
La différence entre Poudre et Extrait
La poudre d'une plante renferme tous les principes actifs de cette plante , on parle alors de totum de la plante.
Les extraits de plantes comme l’appellation l’indique, contiennent une seule partie des principes actifs de la plante. On isole et quantifie le ou les principes actifs qui sont censés avoir une activité sur le métabolisme.
Par exemple, nous pouvons trouver des gélules de soja titrées à 10% d’isoflavones contre 1 à 3 % dans des gélules de poudre !
Des gélules de yam titrées à 16% de diosgénine contre 2 à 3 % pour les gélules de poudre naturelle !
Dans ces deux exemples, on peut trouver le mélange Soja-Yam en extraits. Si l’action des hormones likes est rapide , les signes d’un excès peuvent se présenter avant même la fin d’une cure , comme par exemple une recrudescence de la pilosité (excès progestéronique)
Ceci n’arrive pas avec des cures de gélules de poudre des deux plantes. Par contre les résultats, notamment sur les bouffées de chaleur, sont un peu plus long à venir.
Petite parenthèse : exigez du soja poudre naturelle sans OGM et dépelliculé.
Beaucoup de laboratoires fabriquant de compléments alimentaires n’utilisent que des extraits.
Pourquoi ?
A cela, une raison très simple : l’activité thérapeutique est plus rapide qu’avec la poudre.
Ici commence la pratique allopathique : isoler un principe actif , une molécule et la concentrer afin d’avoir l’effet bénéfique plus rapidement . L’aspirine en est un bon exemple.
Si l’effet recherché est efficace et rapide, les effets secondaires le sont tout autant.
On ne peut nier l’effet anti douleur de l’acide salicylique, comme on ne peut nier le risque d’ulcération à l’estomac et de fluidification du sang.
Le succès de ces phyto-compléments est certain car ils véhiculent une image positive de naturel.
On se dit que cela ne peut pas faire de mal puisque c’est naturel !
En vérité, quand vous prenez des EXTRAITS de plantes vous appliquez un principe allopathique.
Quand vous prenez le TOTUM d’une plante ou d’une de ses parties vous pratiquez de la médecine douce.
Pourquoi ?
Parce qu’en prenant la plante sous sa forme entière séchée, en poudre ou pas, vous prenez tous les composants qu’elle contient d’une manière harmonieuse que seule la nature sait fabriquer. Et votre organisme l’accepte, ou le tolère mieux si vous préférez. Le foie est moins sollicité qu’il l’est avec un EXTRAIT qu’il reconnaît comme un corps étranger et va s’en défendre, d’où les manifestations de possibles effets désagréables voire néfastes.
Des tisanes de reine des près ou de saule, même sur un estomac sensible, ne provoqueront que très rarement, sauf allergie, où pris en grande quantité et longuement, d’effets secondaires.
Et la différence est bien là .
Les deux formes ont bien chacune leur spécificité.
Avantages et inconvénients
L’extrait a une action très rapide mais non durable, avec un risque d’effets secondaires. Les extraits sont intéressants sur les activités anti-tumorales ou en topique local en usage externe (coup-blessures-problèmes de peau, de fractures …).
Le totum a une action plus lente, en profondeur, à effet plus durable (jusque 3 semaines) et exempt pour la plupart d’effets secondaires. Sur les terrains à symptômes répétitifs, chroniques, récidivants, tel l'asthme, les bronchites, les problèmes urinaires, la reconstruction des tissus, etc.
Exemples de plantes utilisées en Extrait et en Totum
Dans la pratique , avec l’expérience voyons ce que cela donne :
Absinthe (Artemisia absinthum L.)
En cas d’utilisation prolongée d’extraits alcooliques, il y a risque d’« absinthisme » (symptômes : rétention d’urine, vertiges, troubles rénaux, convulsions épileptiformes).
Les extraits et solutions alcooliques d’absinthe sont néfastes à la santé ainsi que l’huile essentielle. compte tenu de la teneur en thuyone qui est par contre pratiquement inexistante dans les hydrolats. L’amertume de la plante entière vous évitera une consommation quotidienne!
Angélique chinoise (Angelica sinensis (Oliv.)
Ne pas prendre si tendance aux saignements ou aux fortes menstruations. En effet, l’extrait aqueux (pourtant le plus dilué des extraits ), et le composant isolé, l’acide férulique, inhibent l’agrégation plaquettaire. La viscosité du sang s’est réduite pendant environ 3 heures lorsqu’un extrait de racine a été administré (par voie orale dans une étude humaine) . Ce qui n’est pas le cas si cette plante est prise en poudre ou en infusion.
Artichaut ( Cynara cardunculus L. syn. scolymus L.)
Seul le TOTUM produit un effet médicinal décelable. Les substances isolées utilisées seules sont quasiment inactives. J’ai pu l’observer maintes fois : la poudre m’a toujours donné plus de résultats que l’extrait fluide.
Aubépine (Crataegus oxyacantha L. ou monogyna Jacq.)
L’aubépine se prend au dosage moyen quotidien de sommités fleuries : 160 à 900 mg d’extrait sec hydroalcoolique ;
ou en extrait sec : 160 mg en 2 ou 3 doses unitaires
ou encore en poudre de plante sèche sommités fleuries : 2 g.et simplement en tisane. Verser 150 ml d’eau bouillante sur 1 c à c (environ 1,5 g) de sommités fleuries, infuser 10 à 15 minutes. Boire 3 à 4 fois par jour.
Prise en extrait fluide (qui est une décoction) ou en tisane, l’aubépine agit au bout de 20 à 30 minutes au dosage cité ci-dessus. Elle régule la tension et ne provoquera jamais d’hypotension si prise en son TOTUM. Ce qui n’est pas le cas en cas de prise d’extrait.
Ginseng ( Panax ginseng C. A. Meyer)
La consommation excessive de ginseng, surtout en EXTRAIT (haute teneur en ginsénosides), induit chez l’homme la gynécomastie (développement anormal d’un ou des deux seins) et aggrave les ulcères existants.
Le syndrome de l’abus se manifeste sous forme de diarrhée, d’insomnie et d’ hypertension artérielle.
Des chercheurs en ont conclu que ce syndrome imitait l’intoxication aux corticostéroïdes. Il est important d’éviter les excitants pendant la cure de ginseng, notamment le café. Je la contre- indique chez les sujets présentant des faiblesses prostatiques (l’usage de l’extrait ralentit le jet urinaire). Jusqu’à 0,5 g de racine sèche dans l’alimentation, elle n’occasionne pas d’effets gênants.
Autrement dit le ginseng en extrait peut faire monter la tension et énerver. Ce qui n’est pas le cas de la poudre qui peut être prise sur des durées plus longues de 2 à 6 mois notamment par les personnes âgées.
Dans la tradition, en Chine, on interdit le ginseng avant 18 ans et plus on vieillit plus on peut en prendre ...mais pas en extrait
Kawa kawa ( Piper methysticum G. Forst.) Partie de plante utilisée : Racine.
La toxicité hépatique constatée il y a plusieurs années chez quelques individus a provoqué une suspension de sa commercialisation en France (toxicité par abus d’extraits apparemment). Aucune toxicité n’a été relevée chez les consommateurs de tisanes dans les îles sud du Pacifique aux doses thérapeutiques conseillées.
Réglisse (Glyccyrrhiza glabra L.)
Il est conseillé de faire attention si on consomme régulièrement de grandes quantités de produits ou d’aliments aromatisés à la réglisse, car cela pourrait causer des complications. On devrait apprendre à reconnaître les signes d’une consommation excessive de réglisse qui sont : des maux de tête, des boursouflures du visage et des chevilles enflées avec léthargie. Et ce, après seulement quinze jours de prise d’extraits.
Même sous forme de tisane ou en poudre, il convient de ne pas prendre la réglisse sur de longues périodes (plus de 6 semaines consécutives).
Autres plantes
D’ autres Plantes présentent une toxicité lorsqu’elles sont employées en EXTRAIT. Il s’agit le plus souvent d’alcoolatures, de teintures mères, mais surtout des extraits secs :
l’acore odorant (Acorus calamus L.) ; l’anis vert (Pimpinella anisum L.) ; l’arnica (Arnica montana L.) ;la bourrache (Borago officinalis L.) ;la chélidoine (Chelidonium majus L.) .
Conclusion
Comme vous pouvez le constater, il est important en automédication de bien connaître les effets que peuvent provoquer les extraits de plantes puisqu'ils se rapprochent davantage du médicament que du complément alimentaire.
Si vous désirez en savoir plus sur ce sujet, vous pouvez consulter l’ouvrage « le guide des contre-indications des plantes médicinales » où les formes galéniques sont citées selon leurs actions et effets non désirés pour 523 plantes médicinales.
Un fascicule sur les différentes façons et manières de préparer un remède à partir d’une plante a également été édité en novembre 2023: Les cinq formes galéniques
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Apothicaires des Âmes
Michel Dubray